CPI: Les avocats de Yekatom Rombhot demandent à la CPI de se dessaisir du dossier en faveur de la CPS©RNL/Inès Laure N'GOPOT
Me Mylène Dimitri accordant l'interview à la presse centrafricaine présente à la Haye lors du procès de confirmation des charges contre Yekatom et Ngaïssona, septembre 2019

CPI: Les avocats de Yekatom Rombhot demandent à la CPI de se dessaisir du dossier en faveur de la CPS

Dans une nouvelle requête adressée le 17 mars 2020 à la Cour Pénale Internationale, les avocats  de Alfred Rombhot Yekatom demandent à la Cour de déclarer irrecevable l’affaire et de remettre le dossier à la Cour Pénale Spéciale (CPS) en Centrafrique.

Cette nouvelle demande intervient deux semaines après une première requête adressée le 03 mars 2020 dans laquelle la défense de Alfred Rombhot Yekatom a exigé de la CPI sa remise en liberté provisoire. Dans cette nouvelle requête, les conseils de M. Yékatom demandent à la Cour Pénale Internationale conformément à l’article 19 paragraphe 2 (a) du Statut de Rome, de déclarer que l’affaire contre M. Yekatom est irrecevable, au motif que les autorités centrafricaines sont désormais capables de le poursuivre devant les juridictions nationales, principalement la CPS déjà opérationnelle.

« Il s’agit d’une requête très importante sinon la plus importante » a justifié Me Mylène Dimitri, conseil principal de Alfred Rombhot Yekatom précisant que « aujourd’hui en 2020, la CPS est active, des personnes sont même détenues au nom de la CPS. L’objectif ultime de la requête, c’est de faire déclarer le dossier de M. Yekatom irrecevable devant la CPI afin de le faire transférer en Centrafrique pour qu’il soit jugé devant la CPS qui siège à Bangui ».

Toujours dans les arguments avancés par la défense de M. Yekatom, les autorités centrafricaines devraient avoir la possibilité d’ouvrir une enquête et d’intensifier des poursuites. La défense demande aussi à la CPI de donner corps au principe de complémentarité tout en promouvant la CPS et démontrer que la CPI peut être une alliée et non une concurrente des systèmes judiciaires nationaux. « La CPI est une cour de dernier ressort. L’idée c’est de donner préférence aux tribunaux nationaux. Si le président Touadera a confiance en la justice centrafricaine et puisqu’il a indiqué récemment que la CPS a les moyens d’atteindre ses objectifs, alors les autorités centrafricaines, le gouvernement centrafricain, le président Touadera ne devraient pas s’objecter au transfert de M. Yekatom devant la CPS » a soutenu Me Mylène Dimitri.

La démarche de la défense de Alfred Rombhot Yekatom vise à « obtenir une ordonnance de la CPI invitant les autorités centrafricaines à indiquer si elles seraient disposées et en mesure de mener une enquête et des poursuites si elles en avaient la possibilité; ensuite encourager le bureau du procureur de la CPI à communiquer les fruits de son enquête contre M. Yekatom à la CPS afin qu’elle prenne le relais rapidement, » a développé Mme Dimitri précisant que l’objectif ultime est « d’obtenir une ordonnance de transfert de M. Yekatom aux autorités centrafricaines afin qu’il soit jugé devant son peuple, parce que l’accusé souhaite être jugé devant la CPS qui est un tribunal composé entre autre de juges qui parlent sa langue, comprennent sa culture et connaissent le contexte dans lequel les événements se sont produits. »

A Bangui, la CPS dit n’avoir pas encore d’information sur une pareille démarche. « La CPS de la République Centrafricaine n’est pas au courant officiellement de ce type de démarche, mais nous monitorons tout ce qui se passe au niveau de la justice internationale », a précisé Théophile Momokoama, Porte-parole de la CPS.

Le 16 mars 2020, la Présidence de la CPI a constitué la Chambre de première instance V, qui sera en charge de l’affaire « Le Procureur c. Alfred Yekatom et Patrice-Edouard Ngaïssona ». Cette Chambre est composée des juges Bertram Schmitt, Péter Kovács et Chang-ho Chung.

Alfred Rombhot Yekatom, ancien chef de la milice anti-balaka et député de Mbaïki 2 a été arrêté le 29 octobre 2018 en marge d’un incident survenu dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale lors du vote du nouveau président du parlement. Il a été remis à la Cour Pénale Internationale le 17 novembre 2018 sur demande de la cour qui l’accuse d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en 2013 et 2014 en République Centrafricaine.