L’horreur de Mugumba racontée au Procès Bemba

Le procès de Jean-Pierre Bemba a repris après une semaine d’interruption, lundi 14 mars, avec l’audition du témoin 29, une femme qui comme les autres témoins du procureur, dépose sous pseudonyme. En octobre 2002, elle a été victime, avec sa famille, d’une attaque des Banyamulenge, le nom donné aux soldats de Jean-Pierre Bemba, envoyés en Centrafrique à la demande du président d’alors, Ange-Félix Patassé, qui luttait contre les rebelles de François Bozize.

L’Agence Hirondelle rapporte des extraits de son témoignage. Un soir d’octobre 2002, le village de Mugumba, sur la route de Brazzaville, est attaqué. « J’ai entendu des voix, des cris, raconte le témoin 29. J’étais à l’intérieur, avec mon père et ma mère, des gens criaient et fuyaient les soldats. Je m’inquiétais à cause de mon père, parce qu’il était très fatigué et âgé. Ma grande sœur est arrivée, et je lui ai demandé d’entrainer notre père dans la brousse. Ma mère, elle, était encore robuste, elle pouvait marcher d’elle-même.»

Alors qu’elle tente de rassembler quelques biens avant de s’enfuir à son tour, trois hommes pénètrent dans la maison. « L’un d’entre eux, qui était grand, plus grand que les autres, il m’a fait signe, me demandant de me coucher par terre » raconte-t-elle avant de s’effondrer en pleurs dans la salle d’audience. « Le plus grand d’entre eux a enlevé mon pagne et il a arraché mon slip. Je voulais me débattre pour me relever. Mais j’étais face à un homme, il est plus fort que moi. Il a écarté mes jambes. Il m’a pénétré. Ca me faisait mal, mais il continuait. Les deux autres qui étaient debout ils parlaient tout le temps. Il s’est relevé. Et le deuxième s’est jeté sur moi et il a couché avec moi, comme le troisième ».

Elle raconte aussi une altercation entre l’armée régulière centrafricaine et les miliciens de Jean-Pierre Bemba, au sujet de biens pillés. « Nous allons revenir » auraient promis les Banyamulenge, furieux. « Qu’est-ce que nos militaires ont fait de notre argent ? interroge le témoin. Est-ce qu’ils ont déposé cet argent au trésor public ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que nous avons payé les pots cassés. S’ils n’avaient pas pris cet argent aux Banyamulenge, nous n’aurions pas vécus ce que nous avons souffert. » Car les Banyamulenge reviennent, le 5 mars 2003.  

Au cours de son contre-interrogatoire, l’avocat principal de Jean-Pierre Bemba, Maître Nkwebe Liriss, lui a rappelé une déclaration passée, dans laquelle elle disait qu’il fallait juger les autorités. « A quelles autorités faites-vous allusion dans ces déclarations Madame ? » demande Maître Liriss. « En parlant des autorités, je fais allusion aux autorités de notre pays, car c’était effectivement nos autorités qui avaient fait appel à ceux qui étaient de l’autre coté de la rivière, ils ne sont pas venus de leur propre chef. Des officiers sont toujours en place. A partir du moment où les autorités sont encore en place, en fonction, peuvent-ils être jugés ? »

La suite de son témoignage a été entendue à huis clos.

Jean-Pierre Bemba est accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour les meurtres, les viols et les pillages commis par ses soldats en Centrafrique, entre octobre 2002 et mars 2003.