Diagnostic de l’ONU sur la RCA : extrême pauvreté, faiblesse des institutions, corruption, insécurité

Diagnostic de l’ONU sur la RCA : extrême pauvreté, faiblesse des institutions, corruption, insécurité

Deux mois après sa nomination en qualité de Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République centrafricaine, Mme Margaret Vogt a présenté, jeudi 6 juillet 2011, devant le Conseil de sécurité, le rapport du Secrétaire général sur les activités menées par le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA) au cours d’une période marquée par des élections législatives et présidentielle, ainsi que par le lancement du processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Un résumé de son rapport a été publié sous forme de communiqué par le BINUCA. Radio Ndeke Luka a reçu copie.

« Beaucoup a été accompli depuis la création du BINUCA en janvier 2010 », a noté Mme Vogt« Plusieurs institutions de gouvernance ont été créées, des lois importantes ont été adoptées et la liberté de la presse a été élargie. »  Si la situation reste calme dans l’ensemble, elle est cependant encore marquée par une certaine instabilité, en particulier aux alentours de la capitale, Bangui, a-t-elle indiqué.

Intervenant au cours de la séance, le Représentant permanent de la République centrafricaine (RCA) auprès des Nations Unies, M. Charles Armel Doubane, a estimé qu’« une série d’évènements encourageants a eu lieu depuis la tenue des élections de janvier dernier ».  Il a cité notamment l’annulation partielle des résultats concernant un quart des sièges de l’Assemblée nationale par la Cour constitutionnelle; la tenue de la table ronde des bailleurs de fonds à Bruxelles; la formation du nouveau Gouvernement de la République centrafricaine (RCA); le sommet tripartite Soudan-Tchad-Centrafrique, ainsi que la signature d’un accord de cessez-le-feu avec le dernier groupe rebelle, connu sous l’appellation: Convention des patriotes pour la justice et le progrès (CPJP).

En dépit de ces progrès, la République centrafricaine se heurte encore à des défis majeurs, a fait remarquer Mme Vogt, mentionnant l’extrême pauvreté, la faiblesse des institutions nationales, un fort taux de violence et de criminalité, et la corruption.  Les principaux défis à relever sont l’instabilité politique, la mise en œuvre des accords de paix conclus avec les groupes rebelles, ainsi que le processus de désarmement et de réintégration des anciens combattants, a-t-elle indiqué.

Si elle a souligné le succès des élections législatives et présidentielle, qui se sont déroulées dans un climat pacifique, Mme Vogt a rappelé les irrégularités qui ont été constatées et l’annulation de certains scrutins dans 13 districts électoraux.  Elle a salué la décision du Gouvernement de créer un organe indépendant qui sera chargé des futures élections et de la révision du Code électoral.

La Commission de consolidation de la paix (CCP) a joué un rôle important dans ces élections, a quant à lui indiqué M. Jan Grauls, Président de la formation République centrafricaine de la CCP, qui a précisé que les bailleurs de fonds avaient été mobilisés pour combler le fossé financier de 7,5 millions de dollars qui existait dans le budget électoral.  Par ailleurs, la CCP a transmis, par le biais du BINUCA, des conseils à certains acteurs impliqués dans les préparatifs des élections.  M. Grauls a cependant regretté le boycott du second tour du scrutin parlementaire par des partis de l’opposition.

En ce qui concerne les accords de paix signés avec les mouvements et groupes armés rebelles, le Gouvernement a annoncé son intention de désarmer, démobiliser et réintégrer tous les combattants d’ici à la fin de l’année.  Outre l’accord de cessez-le-feu signé par la CPJP le 12 juin, Mme Vogt s’est aussi félicitée que le dirigeant rebelle du Front populaire pour le redressement (FPR) ait exprimé sa volonté de s’engager dans des négociations afin de permettre qu’un accord de paix soit signé d’ici à un mois, ce qui pourrait conduire au rapatriement de 400 à 500 personnes.

Le processus de DDR a été lancé le 25 juin, par le Président de la République centrafricaine, M. François Bozizé, et les dirigeants des groupes politico-militaires, avec 340 combattants de l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD) désarmés à cette occasion.  Mme Margaret Vogt a souligné l’importance du soutien de la communauté internationale dans ce domaine, ainsi que dans celui de la réforme du secteur de la sécurité.  De son côté, le Président de la formation République centrafricaine de la CCP a invité le Gouvernement centrafricain à hiérarchiser la liste des projets de la réforme du secteur de la sécurité.  La CCP se concentrera dans les mois à venir sur le lancement effectif de cette réforme, a-t-il ajouté.

Évoquant les problèmes d’insécurité, Mme Vogt a rappelé que la RCA, située à un carrefour de zones de conflit, est affectée par l’insécurité en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan.  Elle a aussi averti que ce pays pâtit du passage d’éléments criminels sur son territoire et dans toute la région du Sahel, avant d’assurer qu’elle travaillerait avec ses collègues de la région pour faire face à ces problèmes.  Dans le nord-est du pays, Mme Vogt s’est félicitée que le Gouvernement ait pris des mesures pour sécuriser la province de Vakaga. Dans le sud, il faut encore renforcer la sécurité pour faire face à l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) qui continue à pratiquer des enlèvements, a-t-elle préconisé.

Qualifiant la LRA de « cruelle et barbare », le représentant de la République centrafricaine a exprimé le grand espoir que suscite « la naissance, dans 48 heures, d’un nouvel État limitrophe de la RCA, qui bouleverse certains principes et la géographie de la zone ». La RCA est convaincue « que ce nouveau pays la rejoindra dans la lutte sans relâche contre un ennemi transfrontalier aux ambitions floues et nuisibles », a-t-il ajouté.

La Représentante spéciale du Secrétaire général a également souligné la nécessité de progresser dans la lutte contre l’exploitation sexuelle et dans la promotion des droits des femmes et des enfants.  À cet égard, M. Grauls a indiqué qu’il avait invité les Représentantes spéciales du Secrétaire général chargées respectivement des enfants et les conflits armés et des violences sexuelles dans les conflits armés à se rendre sur le terrain afin de mesurer l’ampleur de cette question.

Il faut aussi promouvoir une culture des droits de l’homme dans tout le pays, a dit Mme Vogt, appelant à lutter activement contre la corruption et à renforcer le système judiciaire de la RCA.  Elle s’est d’ailleurs réjouie que le BINUCA ait récemment obtenu l’autorisation d’accéder aux établissements pénitenciers, et qu’une commission des droits de l’homme soit en voie de création.

Enfin, Mme Vogt et M. Grauls ont fait état du Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté « de la deuxième génération » (DSRPII) présenté par le Gouvernement centrafricain lors de la table ronde des partenaires, qui s’est tenue à Bruxelles en juin et qui a réuni 160 personnes.  Ces participants ont invité les autorités centrafricaines à définir les champs d’action prioritaires au sein du DSRP II, et à se concentrer sur les mesures visant au rétablissement de la stabilité et ciblant les populations fragilisées.