Journée des Martyrs en RCA, « pardonner mais ne pas oublier »

Journée des Martyrs en RCA, « pardonner mais ne pas oublier »

Il y a 33 ans, le 18 janvier 1979, l’armée tirait, sur ordre de l’Empereur Bokassa, sur des élèves qui manifestaient contre l’obligation du port de la tenue scolaire, alors que les salaires de leurs parents étaient impayés depuis 6 mois.  Il y avait eu une cinquantaine de morts. Chaque année, ce triste événement est commémoré sous l’appellation de « Journée des Martyrs ».

Cette année n’a pas dérogé à la règle même si « Journée des Martyrs », a été transformée depuis 2 ans en une « Semaine Nationale de la Jeunesse ». Une transformation intervenue après la réhabilitation de l’ex-empereur.

La commémoration faite ce 18 janvier 2012 a été très sombre à Bangui. Du jamais vu, selon les habitués de cette manifestation : Absence du président de la République François Bozizé à la cérémonie de dépôt d’une gerbe de fleurs au Monument des Martyrs. Le chef de l’Etat centrafricain était représenté cette fois par son Premier ministre Faustin Archange Touadéra. Seule une poignée d’élèves venus de 4 établissements scolaires de la capitale étaient présents. Il y aussi quelques étudiants, venus de l’Université tout proche.

Est-ce là la conséquence de la réhabilitation de l’ex-empereur intervenue il y a 2 ans ? Selon Gustave Bobossi, ancien Recteur de l’Université de Bangui et un des manifestants à l’époque des faits, interrogé par Radio Ndeke Luka est d’avis qu’on ne peut pas « changer les données de l’histoire. On a beau tout imaginer autour de cette date, même elle devrait rester comme un repère pour la jeunesse actuelle ».

De son côté, Dieudonné Salamatou, actuel Directeur du Bureau d’Affrètements Routiers Centrafricains (BARC) et ancien secrétaire général de l’Association Nationale des Etudiants Centrafricains (ANECA), estime que « cette journée a toujours été célébrée avec émotion. Car, la jeunesse de l’époque avait son courage pour combattre un régime dictatorial où les couches sociales ont été muselées, des militaires désorientés, afin d’asseoir une liberté ».

A la question de savoir si la réhabilitation de Bokassa est de nature à faire disparaitre ce fait historique, l’ancien secrétaire général de l’ANECA rétorque que « pardonner n’est pas oublier. Ces faits historiques demeurent toujours, quitte aux autorités du pays d’enseigner ces valeurs positives à la génération montante. Le 18 janvier devrait désormais servir d’aiguillon pour la jeunesse actuelle en proie à la recherche du gain facile, du clientélisme, du régionalisme. Pour exemple, l’obtention des diplômes se fait sur une base non méritée, ce qui met les jeunes en déphasage avec l’ancienne génération axée sur des valeurs patriotiques ».

Hors de Bangui, on retrouve le même contraste. Les manifestations populaires relatives à cette commémoration ont été interdites par les autorités locales de la ville de Mobaye (Est). Toutefois, une conférence débat suivi d’un match de football était maintenu au programme.

A Bouar (Ouest), une marche pacifique a marqué la journée. Parents d’élèves, autorités locales ont mis l’accent sur le combat contre l’analphabétisme et le chômage dans la ville. Dans la ville de Berberati, il y a eu dépôt d’une gerbe de fleurs.