Centrafrique : le Sangö en perte de vitesse dans les discours officiels
Vue d'une partie du centre-ville de la capitale centrafricaine. Photo : Diaspora, 2023

Centrafrique : le Sangö en perte de vitesse dans les discours officiels

Langue nationale et l’une des langues officielles de la République centrafricaine, le Sangö semble être menacé aujourd’hui. Les dirigeants centrafricains relèguent de plus en plus au 2nd rang cette langue pourtant parlée sur l’ensemble du territoire national et symbole de l’Unité. De nombreux Centrafricains se demandent pourquoi le français est-il préféré au Sangö lors des cérémonies officielles et des adresses à la Nation.

Le constat est amer et commence à inquiéter de nombreux Centrafricains. Alors que les autorités prônent la souveraineté nationale, le Sangö, l’un des instruments de cette souveraineté, est en perte de vitesse. Il disparaît progressivement des discours officiels et des adresses à la Nation. Plusieurs fois, le président de la République s’est adressé au peuple uniquement en français. Le dernier exemple est son message à l’occasion du Nouvel An. Comment comprendre cette attitude alors que le Sangö est la langue nationale du pays ?

Pour de nombreux Centrafricains que la rédaction de Radio Ndeke Luka a interrogés, cette attitude témoigne du « mépris » des autorités vis-à-vis de cette langue. 

« Elle fait partie de notre culture »

« C’est vraiment malheureux. Les autorités placent le français devant le Sangö qui est notre 1ère langue. J’aimerais qu’il y ait une amélioration pour que le Sangö retrouve sa place car elle fait partie de notre culture. Si nos autorités choisissent de ne s’exprimer qu’en français, cela veut dire qu’elles accordent très peu d’importance à notre langue », regrette Thibaut, un Banguissois.

Pour la société civile, le fait de s’adresser à la Nation uniquement en langue étrangère est une violation de la Constitution.

« Il leur appartient de se mettre aux pas »

« Quand le chef d’Etat parle et qu’on s’en tient à l’esprit et la lettre de la Constitution, il doit d’abord entamer son discours en Sangö. La version française arrive plus tard. Souvent, on laisse le soin aux journalistes de bricoler la traduction en Sangö. Il appartient aux dirigeants de se mettre aux pas, de montrer l’exemple. Avec cela, ils sont en train de violer la Constitution », fustige Gervais Lakosso, coordonnateur du Groupe de travail de la société civile.

Selon des linguistes centrafricains, privilégier les langues étrangères au détriment du Sangö est une aliénation.

« Nous avons des valeurs dans ces langues-là »

« Nous sommes en train de perdre nos racines et nos valeurs. Après tout, la langue est le véhicule de la culture et des connaissances des ancêtres. Nous avons des valeurs dans ces langues-là. Sauf que nous-mêmes, nous ne connaissons pas la valeur de nos propres langues. Nous les piétinons nous-mêmes. On se rend étrangers. C’est une aliénation », estime Dr Clément Bety, chef du département de Langue vivante à l’université de Bangui.

De leur côté, les autorités nationales n’ont pas encore donné les raisons qui les poussent à préférer le français au sangö dans les discours officiels et les adresses à la Nation.

La République centrafricaine est l’un des rares pays d’Afrique centrale disposant d’une seule langue nationale. Une richesse très peu valorisée, car le Sangö n’est pas enseigné dans les écoles et aucun texte officiel n’est rédigé dans cette langue.

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