Chef de groupe et porte-parole des chefs de quartiers de Yaloké, Issa Jean Louis Yimelet a été confronté de près aux effets dramatiques de la désinformation. Il partage son témoignage suite à une campagne de sensibilisation organisée par #StopAtènè, la cellule numérique de Radio Ndeke Luka qui lutte contre la désinformation, les rumeurs et les discours de haine.
Quels enseignements tirez-vous de la sensibilisation sur la désinformation organisée à Yaloké ?
« Il est écrit : « Mon peuple périt faute de connaissance ». Ce verset biblique traduit bien ce que nous avons vécu. Par ignorance ou précipitation, nous avons souvent relayé des informations sans les vérifier. Cela a eu des conséquences graves. Mais aujourd’hui, grâce à cette campagne de sensibilisation, nous avons les outils nécessaires pour changer notre manière d’agir. Cette initiative nous a permis de comprendre l’importance de la vérification des faits avant toute prise de décision ou communication publique. »
Que représente la désinformation pour vous ?
La désinformation est une véritable menace. Elle ne se limite pas à la propagation de fausses nouvelles. Elle crée la division, elle nourrit la haine, et dans certains cas, elle peut même conduire à la mort. Nous avons trop souffert en Centrafrique à cause de cela. À Yaloké, nous disons stop. Nous devons tourner la page. C’est pourquoi j’appelle mes collègues, les chefs de quartiers et tous les leaders communautaires, à relayer ce que nous avons appris. Il faut que l’information soit un outil de paix et non de trouble.
Avez-vous déjà vécu une situation causée par une fausse information ?
Oui, en mars 2024, une rumeur a créé la panique dans notre localité. Elle annonçait que plus de 26 conducteurs de taxi-motos avaient été violés et tués dans un village voisin. L’information a circulé très rapidement, alimentant la peur et la colère. Madame le Maire nous a convoqués en urgence. Lors de cette réunion, le commandant de la Brigade Territoriale a clarifié la situation. Il a indiqué qu’il ne s’agissait pas de conducteurs de taxi-motos, mais de deux soldats des Forces armées centrafricaines retrouvés sans vie à Dambourou, un village voisin.
Alors qu’on venait de comprendre ce qui s’était produit et qu’on était en train de déplorer ce qui est arrivé à nos militaires, une foule composée majoritairement d’élèves, en colère après avoir écouté la première fausse nouvelle, est partie manifester au centre commercial. Malheureusement, dans leur mécontentement, ils ont détruit une mosquée en réhabilitation, avec seulement cinq rangées de briques. Alors que la désinformation a conduit à la destruction de cette mosquée en reconstruction, une autre désinformation nait de nouveau à propos de cette destruction. On a été surpris de voir sur les réseaux sociaux l’image de la mosquée détruite. Ce n’était pas l’image d’une mosquée de Yaloké. Pire encore, le post affirmait que les élèves avaient été poussés par les autorités locales pour détruire ladite mosquée. Heureusement, une mission conduite depuis Bangui, avec notamment le Cardinal Dieudonné Nzapalainga, est venue sur place. Elle a constaté que les faits relayés sur les réseaux sociaux ne correspondaient pas à la réalité. Grâce à cette enquête, la vérité a pu être rétablie. Mais nous avons compris à quel point une fausse nouvelle peut avoir des conséquences dramatiques.
Quel message souhaitez-vous adresser à la population de Yaloké ?
J’interpelle surtout les jeunes. Beaucoup utilisent les smartphones sans réfléchir aux conséquences de ce qu’ils partagent. Publier une information sans vérification, sans contexte, c’est prendre le risque d’attiser des conflits. Je leur demande de faire preuve de responsabilité. Ce n’est qu’avec un usage responsable de l’information que nous pourrons construire un véritable vivre-ensemble. Yaloké en a besoin. La Centrafrique en a besoin.
#StopATènè, la cellule numérique de Radio Ndeke Luka qui lutte contre la désinformation, les rumeurs et les discours de haine.
