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Le samedi 1er novembre 2025, le site d’information Corbeau News Centrafrique (CNC) a publié, aux environs de 6 heures du matin, un article affirmant qu’un adjudant des Forces armées centrafricaines (FACA) a été tué et un soldat blessé dans une embuscade à proximité du village de Bouboui, à 45 kilomètres de Bangui sur la route de Boali. Selon la publication, l’incident serait survenu après l’enlèvement d’éleveurs par des hommes armés non identifiés.
L’article, consulté 106 fois sur le site, a ensuite été partagé sur le compte X du média et a été vu 105 fois. Il a également circulé dans le groupe WhatsApp de Corbeau News qui compte près d’un millier d’abonnés et sur plusieurs pages Facebook, dont Info RCA 24 et le compte Erick le Pacha (plus de 5000 abonnés), avec des reformulations et illustrations diverses. En plus des faits évoqués : décès d’un adjudant au front, blessure d’un soldat lors d’une intervention après le kidnapping de plusieurs éleveurs peulh, la publication d’Erik le Patcha sur Facebook insinue dans ses premières lignes une politisation de l’armée et un manque de moyens, et déplore le décompte des éléments des Forces armées centrafricaines. “Pendant que l’Etat Major-rca Faca se politise de fur et à mesure aux opportunités à saisir et que certains tristes officiers, sous-officiers et hommes des rangs sont abandonnés sans moyens adéquats pour la défense nationale, la décompte des soldats, malheureusement, continue son bon chemin…”, lit-on dans les premières lignes.
Si l’on n’a aucune réaction des sources officielles et militaires, l’audience des pages qui ont relayé cette information et sa viralité ont poussé la cellule #StopAtènè à vérifier.
Une information confirmée sur le terrain
Pour vérifier cette information, la cellule #StopAtènè a effectué une descente sur le terrain et a analysé les images contenues dans les différentes publications.
Au village Bouboui, #StopAtènè a rencontré Adji Adoc, un éleveur qui confirme les faits. « Cette information est vraie. Samedi 1er novembre, des hommes armés avaient intercepté des éleveurs au niveau du village Malenguinza (8km de Bouboui) et ils avaient saisi leurs bétails. Informés, les militaires basés à Bouboui ont décidé d’intervenir. Malheureusement en cours de route les malfrats ont ouvert le feu en premier sur les soldats. Dans cette embuscade, un adjudant est décédé et un soldat blessé. Les militaires sont là, mais ne veulent pas intervenir parce qu’ils sont sous-équipés. Et s’ils n’interviennent pas, les malfrats vont continuer leurs forfaits sur la population ».
Le témoignage d’Adji révèle des malaises récurrents dans la localité de Bouboui : les attaques armées et les enlèvements qui aboutissent au versement de rançons. « Ça se passe souvent, témoigne Ali Amadou, chef adjoint du parc à bétail de Bouboui. Des hommes armés surgissent dans les campements, prennent des gens, des éleveurs en otage et exigent de l’argent avant de les libérer. Souvent les éleveurs ou leurs patrons à Bangui donnent de l’argent via Orange money pour être libérés. Ou parfois après une entente, ces bandits saisissent un ou deux bœufs et s’en vont », déplore-t-il. Cette version confirme l’enlèvement signalé plus tôt avant l’intervention échouée des Forces armées centrafricaines sur les lieux. Mais les habitants ne connaissent pas le nombre de personnes kidnappées.
Toutes ces informations : la mort de l’adjudant déployé à Bouboui, la blessure d’un soldat et le kidnapping d’éleveurs peulhs ont été aussi confirmées par les miliaires en poste. L’ancienne équipe a été relevée. Une nouvelle vient d’être déployée.
Faces à la récurrence des incursions armées et des kidnappings, les habitants de Boubouï déplorent le sous-effectif et le manque de moyens logistiques en possession des forces de défense et de sécurité dans leur village. « Il n’y a pas de sécurité dans l’Ombella M’poko. Les incidents sécuritaires dont on parle là surviennent à moins de 15, moins de 10 km. Les quelques militaires présents n’ont pas de moyens logistiques pour mener à bien leur mission. Même pas une moto, même pas un vélo. Quand ils sont alertés, avant qu’ils n’arrivent sur le terrain, les malfrats ont déjà commis leur forfait et sont partis. Il faut que l’Etat donne des moyens à nos militaires. Ils seront donc réactifs, prêts à intervenir et protéger la population », déplore Nour Waziri, chef de groupe des villages de Boubouï.
Des images sans légende
Cependant, la cellule StopAtènè a remarqué que les images qui ont accompagné ces publications ne portent pas de légende. Dans ses publications sur son site web et sur X (anciennement Twitter), Corbeau News a utilisé une image sur laquelle on voit deux soldats portant de casque sur la tête. Cette même image a été reprise dans la publication de la page Info RCA 24.
Après vérification d’image inversée grâce aux outils spécialisés comme Tineye et Google Lens, l’image des deux soldats portant de casques a été utilisée par Africa-Press Centrafrique, le 20 septembre 2025 avec la légende “ FACA à Birao sans prime alimentaire depuis sept mois.”
Erik le Patcha a quant à lui utilisé une photo du chef d’état-major centrafricain, Zéphirin Mamadou. Cette utilisation sans légende peut porter à confusion. L’on peut comprendre que le message est destiné au chef d’état-major. Alors que la publication annonce un décès, utiliser une image sans légende, induirait ceux qui ne connaissent pas le chef d’état-major à penser que c’est la personne décédée qui figure sur la photo.
En conclusion : L’information selon laquelle un adjudant des FACA a été tué et un soldat blessé lors d’une embuscade à Bouboui est vraie et confirmée par plusieurs sources locales. Ces mêmes sources confirment l’enlèvement de plusieurs éleveurs peulhs dont le nombre n’est pas indiqué. En revanche, les images diffusées pour illustrer cet événement ne sont pas directement liées aux faits.
Source :
- Chef de groupe de Bouboui ;
- Chef adjoint de parc de marché à bétail de Bouboui ;
- Éleveur de Bouboui.
