CPI/BEMBA – « On ne peut pas commander à l’aveugle »

Le général français Jacques Seara a poursuivi, mercredi 15 août, sa déposition dans le procès de Jean-Pierre Bemba devant la Cour pénale internationale (CPI). Il a expliqué que l’accusé était quotidiennement informé de la situation en Centrafrique, mais ne pouvait en aucun cas commander les troupes à distance.

Le témoin expert a commenté plusieurs documents présentés par la défense, dont un message de janvier 2003 du chef d’Etat-major des armées centrafricaines, ordonnant l’affectation de deux officiers du MLC au centre de commandement opérationnel. Pour la défense, le document démontre que les troupes du MLC, appelées en renfort par le président centrafricain Ange-Félix Patassé, n’étaient plus sous le contrôle de Jean-Pierre Bemba pendant la guerre.

Pour appuyer sa démonstration, l’avocat de Jean-Pierre Bemba, maître Aimé Kilolo, a interrogé le témoin sur l’équipement militaire du MLC. « Il y avait une prise en charge complète de l’équipement par la République centrafricaine, a affirmé le témoin. L’ALC [bras armé du MLC] recevait des armes, des munitions, des moyens de transmission. »

Le témoin expert a aussi évoqué les moyens logistiques fournis par la Libye, qui avaient transité par la République démocratique du Congo (RDC). « Ce qui a transité sur le territoire du Congo en provenance de la Libye était destiné à la République Centrafricaine » a-t-il affirmé. Soutenant que l’approvisionnement libyen était destiné à la Centrafrique et non à l’ALC, l’expert est cependant resté vague sur les raisons pour lesquelles il n’était pas envoyé directement en Centrafrique. « C’était peut-être parce que la sécurité n’était pas suffisante pour atterrir à l’aéroport de Bangui », a-t-il dit.

Interrogé sur les communications des troupes de l’ALC avec l’accusé, l’expert a expliqué qu’« à Gbadolite, il y avait un centre de transmission qui fonctionnait 24h sur 24. Mais ce n’était pas seulement pour l’ALC en République centrafricaine. C’était pour toutes les troupes de l’ALC, celles aussi qui étaient restées au Congo. »

Depuis la Centrafrique, le colonel Moustafa, chargé des troupes du MLC en Centrafrique, transmettait quotidiennement des comptes rendu de situation à Gbadolite, le QG de l’accusé, a-t-on appris de l’expert. Ce dernier a cependant précisé que l’accusé ne pouvait pas commander une unité de 1500 hommes située à 1500 km de distance. « Il avait la possibilité de s’informer, mais commander, ce n’était pas possible. Monsieur Bemba ne disposait pas de l’ensemble du système de commandement. Il avait besoin d’un Etat-major pour collecter les informations et envoyer des ordres. On ne peut pas commander à l’aveugle, ce n’est pas possible ».

« De manière générale, d’après votre expérience, est-il possible de commander une force qui se trouve à l’étranger, dès lors qu’elle s’y trouve engagée dans des opérations coordonnées avec d’autres forces ? » a encore interrogé maître Kilolo. « A partir du moment où elle est équipée, où elle est aux ordres du centre opérationnel centrafricain, il n’est pas possible que ce détachement intégré mène sa guerre personnelle. Il faut que toutes les forces engagées concourent aux objectifs décidés au plus haut niveau de l’Etat. Les forces de l’ALC ne pouvaient pas mener leur propre guerre ».

Jacques Seara est le premier des 63 témoins que la défense compte appeler à la barre de la Cour.