La Minurcat, une opération de paix en demi-teinte

La Minurcat, une opération de paix en demi-teinte

Un rapport du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité) sur la Minurcat (Mission des Nations Unies en RCA et au Tchad) a été rendu public cette semaine. Cette opération de paix conjointe ONU – UA a pris fin en décembre 2010. Lancée le 25 septembre 2007 par la résolution 1778 du Conseil de sécurité, elle a contribué à la sécurisation et à la protection des réfugiés et des personnes déplacées au plus fort de la crise sous-régionale amplifiée par le conflit du Darfour (Soudan). Elle s’est retirée à la demande unilatérale du Tchad avec un bilan très mitigé. En effet, selon le GRIP, si la présence de la MINURCAT a permis de réduire la violence et d’acheminer l’aide humanitaire à l’est du Tchad et au nord-est de la Centrafrique, force est cependant de constater une persistance de l’insécurité liée à l’activisme de nombreux mouvements rebelles dans les deux pays.

Le rapport relève que la MINURCAT a clôturé ses activités en décembre 2010, à la veille des élections générales dans les deux pays. La fragilité de ses acquis résulte des faiblesses de son mandat, essentiellement humanitaire alors que les problèmes sont politiques. Ainsi la mission a dû gérer les conséquences d’une situation sur laquelle elle ne pouvait pas intervenir. En outre, la lenteur de son déploiement a contribué à la discréditer. Enfin, le retrait des Casques bleus des zones occupées par les rébellions a privé les populations de ces régions de la possibilité de participer aux élections dans des conditions de sécurité suffisantes. Plus globalement, la MINURCAT illustre la valeur ajoutée d’un partenariat entre l’ONU et l’UE et rend compte des défis de la gestion des crises actuelles : d’une part, concilier deux principes contradictoires, à savoir la souveraineté des États et la responsabilité de protéger ; et d’autre part, déployer une opération de maintien de la paix lorsque les conditions de paix ne sont pas remplies.

Si, souligne le rapport, « la MINURCAT a connu une existence relativement courte, trois ans, elle a eu un mandat évolutif et complexe qui permet de tirer au moins cinq enseignements susceptibles d’aider à améliorer la gestion des opérations de paix. Il s’agit des défis à relever et des pistes de réflexions à approfondir pour éviter que cette mission qui a innové sur certains aspects, ne contribue à discréditer les opérations de paix pourtant indispensables ».

La MINURCAT illustre, selon le GRIP, les difficultés de l’ONU à intervenir dans la résolution des conflits de type nouveau. Ceux-ci surviennent à l’intérieur d’un pays et impliquent plusieurs protagonistes avec des connexions régionales voire internationales. « Or, toute intervention dans ce type de situation se heurte à deux principes contradictoires : d’une part le respect de la souveraineté exigée par le gouvernement en place, et d’autre part, la responsabilité de protéger que l’ONU tente d’appliquer depuis 2000. La question s’avère aujourd’hui problématique et pousse un nombre croissant de gouvernements à remettre en cause la présence onusienne même s’ils sont confrontés à des situations conflictuelles particulièrement aigues. En effet, l’exemple tchadien s’ajoute à celui du Burundi qui a obtenu le retrait du BINUB (Bureau des Nations unies au Burundi) et celui de la RD Congo qui, en 2010, a demandé le retrait de la MONUC. Le gouvernement congolais a finalement accepté le changement du mandat de la mission et sa transformation en MONUSCO. Il s’avère par conséquent urgent, pour l’ONU et les organisations régionales, d’identifier les options réalistes et concrètes permettant de continuer à assurer la paix et la sécurité en situation de crise lorsque les gouvernements en place sont défaillants ».

Une autre leçon importante concerne la nécessaire réduction des lourdeurs bureaucratiques en matière de gestion des opérations de paix. Elle va de pair également avec l’importance de penser ces missions comme des cadres organisationnels qui ont besoin d’une cohérence et d’une certaine prévisibilité pour avoir des résultats. « Les six résolutions du Conseil de sécurité sur la MINURCAT et les seize rapports du Secrétaire général de l’ONU pendant les trois années de l’opération font penser que ses responsables ont passé une grande partie de leur temps à négocier les résolutions et à rédiger les rapports trimestriels au lieu d’assurer le suivi de la mise en oeuvre des actions sur le terrain ».

Le déploiement d’une opération de maintien de la paix alors que les conditions de paix ne sont pas remplies, à l’instar du Tchad et de la Centrafrique en 2007, peut avoir des effets néfastes à moyen et long termes. D’une part, on crée beaucoup d’attentes au niveau des populations sans avoir les moyens humains et matériels, voire même la volonté politique, de les satisfaire. D’autre part, les déceptions qui en résultent favorisent le discrédit de l’action de l’ONU même si celle-ci n’est pas la seule responsable des difficultés. Plus globalement, cette situation soulève la question de la responsabilité de l’État comme garant de la paix et de la sécurité de ses populations dans le cadre de la gouvernance mondiale.

Enfin, ce rapport du GRIP amène à faire le constat qu’au bout du compte, la meilleure approche de gestion des conflits réside dans la prévention. « L’exemple du Tchad et de la Centrafrique illustre l’urgence de s’attaquer aux causes profondes de leurs crises, à savoir les faiblesses de la gouvernance publique aux niveaux local et national. L’absence d’institutions capables d’assurer la sécurité et les services publics de base renforce les facteurs conflictuels. Quand il faut attendre qu’une mission de paix construise des infrastructures routières et autres, comme ce fut le cas pour la MINURCAT, c’est trop tard ».

Pour ce faire, les partenariats entre les donateurs, y compris les agences de l’ONU, et leurs partenaires des pays en développement, devraient se donner comme objectif ultime de contribuer à la mise en place des institutions publiques fonctionnelles. Dans cette perspective, la lutte contre les principales causes de la déliquescence de plusieurs États africains doit être une priorité. Ces causes sont liées notamment aux pratiques de discriminations ethnique et communautaire, de corruption et de mauvaise gestion des biens et des fonds publics.

« Dans tous les cas, conclut le rapport,  le renforcement des institutions publiques garantes de l’intérêt général constitue la meilleure approche de la consolidation de la paix et de la reconstruction post-conflit ».